Télérelève des données énergétiques : quels choix pour les collectivités ?

Plus que jamais, les collectivités sont aujourd’hui confrontées à la nécessité de maîtriser leurs dépenses et à l’urgence de s’engager dans la transition énergétique. Sachant que le bâtiment représente à lui seul 44 % des consommations d’énergie en France, elles ont pleinement conscience que leur patrimoine immobilier constitue le premier levier d’actions face à ces exigences économiques et écologiques. Avant cela, elles doivent connaître et suivre les consommations de leurs bâtiments. Quels outils ont-elles à leur disposition pour effectuer la relève des données énergétiques rapidement et efficacement ? Quels sont les plus performants ? Eléments de réponse avec Jean-Christophe Bourgeois, directeur Innovation et Internet des objets chez Vertuoz.

 

Comment les collectivités suivent-elles aujourd’hui les consommations énergétiques de leur patrimoine immobilier ?

Jean-Christophe Bourgeois – La très grande majorité des collectivités territoriales utilisent simplement les factures de leurs fournisseurs d’énergie et de fluides – électricité, gaz, eau, fuel, bois… – comme sources principales de données des consommations de leurs bâtiments. Ces données relevées sur les factures servent de base pour réaliser des suivis annuels sur des tableurs de calculs Excel. Les collectivités qui veulent une analyse plus poussée vont utiliser une plateforme web de suivi plus sophistiquée, qui leur apporte une vision globale et fiable de leur patrimoine immobilier et de leurs consommations.

Mais le suivi à partir des factures reste peu précis et chronophage : les données sont reportées à la main – avec des risques d’erreurs – et sont disponibles à intervalles mensuels, ce qui n’est pas suffisant pour une analyse fine et efficace des consommations. Pour augmenter la fréquence des relèves de données de consommations, certaines collectivités réalisent un sourcing auprès de leurs distributeurs de fluides. Ceux-ci fournissent des relèves de données quotidiennes, effectuées à partir d’interfaces de programmation (NDLR : les API – Application Programming Interface). C’est un début d’automatisation de la collecte de données, mais finalement très peu de collectivités l’exploitent, notamment parce que seuls les compteurs généraux des distributeurs d’énergie sont susceptibles de fournir des données, pas les sous-compteurs qui se situent pourtant quant à eux au plus près des usages.

 

Risque d’erreur, perte de temps, manque de précision… des relèves sur les factures. Quelles sont les solutions plus performantes ?

Jean-Christophe Bourgeois – Les technologies de télérelève ont déjà fait leurs preuves en terme d’efficacité. Concrètement, les collectivités installent des instruments connectés sur chaque compteur. Ces infrastructures réalisent des relevés de données fiables et précises, à la maille horaire ou de la minute, de manière automatique, sans perdre de temps et sans risque d’erreur. Elles apportent une vraie valeur ajoutée aux collectivités, en matière d’analyse, de visualisation des consommations d’énergie et de détection des gaspillages. Ce sont de véritables aides au choix pour réaliser des économies.

Cette télérelève permet en outre de faire des économies sans investissement complémentaire, en mesurant le talon de consommation (qui correspond au fonctionnement d’un bâtiment hors occupation, la nuit, durant les congés ou les week-ends…). L’allure de ce talon indique si des équipements, comme l’éclairage, le chauffage, ou la climatisation, restent en marche alors qu’ils ne devraient pas. Sa mesure est donc indispensable aux collectivités pour identifier très simplement des pistes d’économies d’énergie, sans nécessiter des travaux de rénovation et en conservant les mêmes niveaux de confort pour les usagers des bâtiments.

 

Considérant ces avantages, pourquoi les collectivités n’ont-elles pas toutes opté pour un système de télérelève automatique ?

Jean-Christophe Bourgeois – Les technologies de télérelève sont en effet très performantes, et les collectivités en ont pleinement conscience. Mais ces technologies ont aussi un coût, que certaines hésitent à prendre en charge dans un contexte de maîtrise des budgets publics. Pour satisfaire les collectivités en demande de solutions alternatives, nous avons décidé de proposer une solution de relève de données  » low cost « , sans doute un peu moins performante que la précédente mais qui peut s’avérer tout à fait suffisante. Nous avons mis en place un système de télérelève manuelle automatisée. J’explique : des équipes techniques sont présentes au quotidien dans les bâtiments publics, pour la maintenance notamment. Le principe de cette nouvelle solution consiste à confier à ces techniciens la relève, en scannant à partir de leur smartphone les compteurs équipés d’une puce NFC ou un QR Code. En un clic, les données sont recueillies et transmises à un système d’information énergétique central. Aucun risque d’erreur humaine ou de perte de données !

Le système d’information compare automatiquement chaque nouvelle donnée à l’historique de data enregistrées, et alerte le technicien en cas de doute. Ces données récupérées sur le terrain sont ensuite traitées, analysées et restituées sur des tableaux de bord, sur le même modèle que le système de télérelève automatique. Généralement, les élus attendent que les économies soient affichées en tonnes de gaz à effet de serre épargnées, pour savoir si leur collectivité est en conformité avec ses objectifs d’impact CO2. Mais plus souvent encore, les politiques veulent des chiffres en euros. C’est direct, concret et clair, pour être en mesure de réaffecter les économies réalisées dans un nouvel investissement, des jeux d’enfants dans une école maternelle par exemple, utile à la collectivité et visible par tous les citoyens.

 

 

Les bonnes pratiques de la collecte de données pour les bâtiments publics

On ne gère bien que ce que l’on connaît bien. Les collectivités ont donc tout intérêt à recueillir un maximum d’informations sur leur parc immobilier avant de chercher à optimiser ses performances. Quelles informations doivent-elles privilégier ? Avec de la méthode, la collecte de données apportera les meilleurs résultats. Mode d’emploi et bonnes pratiques par Régis-Emmanuel Ganet, chef de Produit chez Vertuoz by ENGIE.

Hôtel de ville ou de région, écoles, collèges, lycées, gymnases, piscines, bibliothèque… Chauffage, climatisation, éclairage, data center… « En amont des projets d’efficacité énergétique, confie Régis-Emmanuel Ganet, un inventaire précis des biens immobiliers de la collectivité et des points de comptage et mesure que l’on veut prendre en compte, représente un exercice préalable incontournable. C’est même l’une des conditions indispensables pour faciliter l’analyse des données et ainsi prendre les bonnes décisions ensuite. »

Second impératif : à quelle échelle veut-on récolter les informations ? « Préoccupons-nous de la maille temporelle d’abord, indique Régis-Emmanuel Ganet. La fréquence des mesures des données sera-t-elle mensuelle, quotidienne, voire horaire ? Pour l’ensemble du parc immobilier, la collectivité peut décider de recueillir les données de consommations à l’échelle du mois en exploitant les factures d’électricité, de gaz naturel, de fuel ou d’eau, qui contiennent déjà l’essentiel des informations pour tous les fluides de la collectivité. Mais lorsqu’elle s’intéresse à un bâtiment énergivore, la collectivité peut choisir de suivre les data à l’échelle quotidienne ou horaire. À une maille plus fine en effet, elle pourra mieux comprendre comment ce bâtiment consomme. »

Même question sur le plan spatial : les données les plus utiles vont-elles être obtenues au niveau des compteurs généraux à l’échelle de tout le bâtiment ou à une granularité plus fine, sur les sous-compteurs à chaque étage de ce même bâtiment par exemple ?

Surfaces, occupants et localisation : les données « statiques » de référence

Une fois cet état de référence des bâtiments, des usages et de la précision établie, la collecte des données peut démarrer. À condition de bien les choisir. De la bonne description des bâtiments dépendra l’efficacité de l’analyse et des décisions prises. « Commençons par différentes informations purement immobilières, conseille Régis-Emmanuel Ganet. La description précise des bâtiments, le nombre de zones ou d’étages, les surfaces totales et les surfaces utiles, les surfaces chauffées, le nombre d’occupants… : tout ce qui peut permettre de comparer les bâtiments entre eux et faciliter l’analyse. » L’adresse des bâtiments et leur zone géographique ne doivent surtout pas être oubliées.

Elles permettent de corréler les conditions météorologiques locales, avec les consommations. Si un bâtiment dépense beaucoup d’énergie à chauffer à 19 °C quand la température extérieure dépasse + 15 °C, il y a de quoi se poser des questions sur ses performances énergétiques ou sur le comportement des occupants !

« Évidemment, il convient aussi de rassembler la liste des points de comptage et de mesures existants, et ceux à ajouter le cas échéant, dans les bâtiments et les étages, poursuit Régis-Emmanuel Ganet. Cette liste devra mentionner le nom et l’identifiant des points de comptage et de mesure, ainsi que les fluides associés. N’oubliez pas non plus de répertorier les bâtiments et les zones desservis par les compteurs. Dernière recommandation : pensez à récupérer les données de contrats de fourniture. Elles permettent de connaître le coût des fluides. »

Factures, relèves, télérelèves : les données « dynamiques » mises à jour régulièrement

Passons maintenant aux informations liées aux consommations, les données dynamiques. Les factures sont des sources particulièrement intéressantes pour leur valeur comptable : non seulement elles indiquent les consommations d’énergie en kWh ou d’eau en m3, mais en plus elles affichent en parallèle les dépenses en euros (valeur comptable).

« L’intérêt des factures tient aussi dans la facilité avec laquelle on peut récupérer les données, explique Régis-Emmanuel Ganet. Si la saisie manuelle de lignes de données est envisageable pour les petites collectivités, l’importation de tableaux Excel depuis les sites web fournisseurs d’énergie est une solution plus pratique. Mieux : les collectivités peuvent confier cette mission de collecte à des plateformes logicielles, qui vont « aspirer » automatiquement les informations provenant des factures directement chez les fournisseurs. C’est simple et sans erreur. »

Autre source de données : les relèves manuelles réalisées régulièrement par les équipes techniques dans le cadre de la gestion des bâtiments. « Les collectivités sont par essence multi sites. La difficulté d’exploitation de ces relèves est qu’elles sont éparpillées sur un territoire plus ou moins étendu, réalisées par plusieurs interlocuteurs. La solution ? Les rassembler au sein d’une même solution web et les rationaliser. »

Les bâtiments communicants, a minima instrumentés avec des capteurs, vont pouvoir, quant à eux, fournir aux collectivités des données de télérelève. Ce process automatique permet de récupérer une infinité de données à des fréquences rapides, avec des mesures plusieurs fois par jour voire à intervalles horaires. Transmises via les réseaux des bâtiments ou des télécoms et centralisées avec les informations des factures et des relèves manuelles, ces données vont enrichir les analyses pour les rendre plus précises et plus efficaces.

Parfois, des données extérieures, liées à l’activité et à l’intensité d’usage du bâtiment, seront ajoutées : le nombre de visiteurs à la piscine ou le calendrier des vacances scolaires pour une école par exemple. « Comme vous le constatez, la majorité de ces informations sont déjà accessibles sans avoir besoin d’investir, conclut Régis-Emmanuel Ganet. Pour les analyser aisément, ces quatre typologies de données – factures, relèves, télérelèves et data extérieures – seront agrégées, croisées et visualisées dans un même outil, par exemple le tableau de bord énergétique Vertuoz, qui apporte une vision globale de tout le patrimoine immobilier de la collectivité, pour préparer des actions d’efficacité énergétique. »

Ces données variées, provenant de sources diverses et d’interlocuteurs multiples, seront ainsi rendues synthétiques et intelligibles. Elles permettront non seulement d’analyser les consommations et les dépenses mais aussi de comparer les bâtiments. À partir de rapports fiables et documentés, les exploitants des collectivités pourront alors choisir les axes d’amélioration les plus adaptés pour optimiser les performances de leurs parcs immobiliers. Ce, sur des bases tangibles.

En résumé, les données à collecter

#Les données « statiques » de référence immobilière

  • Adresse et localisation des bâtiments
  • Description des bâtiments
  • Description des étages
  • Surfaces : totales, utiles, chauffées
  • Nombre d’occupants
  • Secteur d’activités des bâtiments
  • Contrat de fourniture des fluides
  • Plan de comptage et de mesures
  • Caractéristiques des points de comptage et de mesure (fluides, unités)
  • Répartition des points de comptage selon les bâtiments et les zones

#Les données « dynamiques » de consommation

  • Factures
  • Relèves manuelles
  • Télérelèves
  • Données externes (nombre de visiteurs à la piscine, informations météo…)