Simple mot-clé à la mode ou véritable tendance à suivre ? Le terme "blockchain" reste encore assez trouble pour une grande partie des dirigeants du secteur industriel. Pour les aider, Paul Bonan (CEO de QWAM & CO) détaille – dans une interview – les enjeux de cette nouvelle méthode de traçabilité et de certification d’informations. Il revient également sur les opportunités concrètes que la blockchain offre aux industriels.
Il semble parfois exister autant de définitions de la blockchain que d’acteurs sur ce marché… Quelle serait la vôtre ?
En réduisant la définition à l’extrême, je dirais que la blockchain est une technologie de partage de l’information qui remplace le rôle des tiers de confiance autrefois incarnés par les banques ou les notaires. Dans l’univers industriel, je distinguerais plus précisément deux volets d’application : la sécurité et les contrats intelligents.
Commençons donc par la sécurité…
Grâce à la blockchain, vous disposez en temps réel d’un tiers de confiance ouvert et transparent. Vous n’avez plus besoin d’envoyer des courriers ou de demander l’obtention d’une certification. Via une simple application smartphone, je peux par exemple savoir précisément où le produit a été fabriqué et dans quelles conditions. Toutes ces informations de traçabilité sont disponibles en temps réel contrairement aux outils actuels. Ce volet sécurité de la blockchain va permettre d’inventer de nombreux nouveaux services et de faciliter la vie des industriels.
Qu’en est-il des contrats intelligents ? Que désigne cette appellation ?
Il s’agit d’un outil qui utilise les données de la blockchain pour littéralement « ouvrir » toute l’industrie. Du client jusqu’au fournisseur de matières premières, toute la chaîne de valeur peut être gérée intelligemment et en toute transparence grâce à ces nouveaux contrats. Prenons un exemple simple : vous allez dans un magasin, vous scannez votre pied et une paire de chaussures. Le contrat intelligent va enregistrer cette demande et la transformer en une commande qui sera envoyée à « l’usine du coin ». Celle-ci vous précisera si elle sait réaliser ce produit, et si oui, comment, avec quels matériaux, à quel prix et sous quel délai. L’intelligence est au cœur du process.
Est-ce que la blockchain peut également contribuer à améliorer les performances énergétiques de l’usine ?
Tout à fait. Deux exemples concrets me viennent à l’esprit. Le premier porte sur le volet certification dans le contexte des
Contrats de Performance Energétique (CPE) incluant le financement de nouveaux équipements avec rémunération sur les économies associées. Ce type de financement est un levier très fort pour l’efficacité énergétique en industrie. Cela dit, il est parfois difficile de mesurer précisément les économies réalisées. Recourir à un tiers de confiance compétent et bien outillé pour les quantifier (monitoring temps réel) et les certifier (blockchain) peut alors s’avérer utile.
Prenons un second exemple qui concerne la gestion intégrée et automatisée d’une chaîne d’acteurs via le contrat intelligent ou smart contrat. Un industriel peut ainsi dématérialiser le processus de maintenance de ses équipements pour gagner en agilité et coûts. Une machine ayant besoin d’une intervention technique gère toute seule en ligne le cycle complet de consultation des prestataires jusqu’à la facturation en passant par le choix du prestataire, la commande et la réception des travaux en toute transparence et traçabilité.
Quelle est la maturité des industriels français sur ces sujets ?
Aujourd’hui, nous n’en sommes qu’à la première étape : la traçabilité. La dimension "intelligence artificielle" n’est pas encore une réalité. Le contexte est compliqué pour les décideurs industriels car beaucoup d’usines françaises sont en fin de vie. Les dirigeants doivent renouveler leurs machines, mais il y a tellement de nouvelles technologies sur le marché qu’ils ne savent pas vraiment sur laquelle miser. Cela dit, l’intérêt de la blockchain c’est qu’elle peut être vue comme une solution simplificatrice puisqu’elle rassemble toutes les technologies sous-jacentes (robotique, mesure…).
Pour terminer, quel conseil donneriez-vous à un industriel qui souhaiterait s’informer à ces sujets ?
De se rapprocher de l’association France Blocktech. Cette structure organise des sessions de sensibilisation très bien conçues. Cela permet aux participants de bien comprendre les impacts de la blockchain sur le secteur industriel à travers des exemples très concrets.
A propos de Paul Bonan (CEO de QWAM & CO)
Fondateur de la société de conseil QWAM & CO, Paul Bonan exerce en tant que consultant auprès de grandes entreprises industrielles françaises (agro-alimentaire, énergie…). Sa structure intervient notamment sur trois spécialités : conseils énergétiques, gestion des déchets carbonés et blockchain-industrie 4.0.