Des données en quantité, c’est bien. Des données de qualité, c’est mieux.

A l’ère de l’industrie 4.0, les industriels savent qu’ils peuvent compter sur les technologies Big Data ou d’Intelligence Artificielle, pour améliorer l’efficacité énergétique de leurs usines. Néanmoins, ils n’ont pas toujours conscience que, pour obtenir de bons résultats en matière d’énergie, la qualité des données disponibles prime sur leur quantité. Explications.

 

Quelles données utiliser ? Sont-elles disponibles ?

Paramètres et données de fonctionnement des machines et des utilités, programmes de production, données météo… : les données utilisées ou générées par l’activité industrielle sont multiples. Mais est-ce qu’elles sont adaptées à la démarche d’amélioration de la performance énergétique ? De manière très concrète, est-ce que la consommation d’énergie de chacun des périmètres à optimiser est mesurée correctement ? Est-ce que les facteurs qui impactent la consommation sont connus avec la précision nécessaire ? «Vu de loin, tout va bien » affirme Dominique Martin, responsable du pôle Data Vertuoz.

« Le client dispose de dizaines de compteurs et de dizaines de milliers de données. C’est quand l’information que doit délivrer le futur Système d’Information Énergétique est définie de manière précise qu’on se rend compte parfois que les données disponibles ne sont pas les bonnes. L’approche Big Data pour l’énergie est en effet nouvelle et peut demander des données spécifiques. Le projet est alors bloqué jusqu’à ce que ces données soient mises à disposition. Lorsque ce n’est pas possible, le cas métier doit être redéfini ou même abandonné. »

 

Mettre à niveau ses données pour permettre l’analyse et l’optimisation énergétique industrielle

« Il convient d’identifier les données qui correspondent directement au projet d’efficacité énergétique » poursuit Dominique Martin. Ainsi, pour chaque enjeu énergétique important, on définit l’information que le Système d’Information Énergétique mettra à disposition des opérateurs pour améliorer l’efficacité énergétique, et on identifie les données qui permettront de générer cette information : par exemple, pour maîtriser la consommation pendant l’arrêt des installations (le talon de consommation), il faut connaître le statut ‘marche’ ou ‘arrêt’ des principaux consommateurs et la consommation énergétique des différentes zones d’atelier. Si ces données sont incomplètes, non fiables ou inexistantes, il faut corriger ces données, ou, si ce n’est pas possible, redéfinir le projet d’amélioration énergétique.

Et ce n’est pas tout. Lorsque la donnée est fiable, remonte-elle à la bonne fréquence ? Par exemple, beaucoup de compteurs fonctionnent en mode « impulsion ». Il faut alors contrôler la fréquence d’échantillonnage : au moins 2 fois plus de mesures que la durée du phénomène. Ainsi, si on suit une variation horaire, la mesure doit être réalisée toutes les 30 minutes.

 

La méthode pour améliorer la qualité des données « pas à pas »

La réussite d’un projet d’optimisation énergétique dépend donc beaucoup de la qualité des données. Voici une méthodologie précise pour assurer cette étape :

  1. Inventorier toutes les sources de données existantes dans l’usine.
  2. Récupérer les données vraiment utiles au cas métier étudié.
  3. Qualifier ces données avec :
    • une localisation précise,
    • un nom et une description explicites,
    • une maille de temps (ou fréquence d’échantillonnage) adéquate, en phase avec la réalité de l’usine,
    • une unité de mesure définie (kWh/m3 d’air soufflé par exemple).
  4. Vérifier le bon étalonnage des capteurs.

 

La nécessité d’une gouvernance des données

« Souvent, nous sommes confrontés à la difficulté de bien qualifier les données. Les industriels, parce qu’ils se concentrent sur leur cœur de métier, confient l’acquisition des données à des prestataires. Ils perdent donc la connaissance de leurs data, qu’ils n’ont peut-être pas non plus pris le temps de codifier et de documenter. Parfois aussi, les données qu’ils pensaient avoir ne sont pas les bonnes. » La solution ? Mettre en place une gouvernance des données, pour s’assurer de leur intégrité, pilotée par un nouvel acteur, dont le métier, qu’il reste à inventer, sera de garantir la qualité et la bonne exploitation des trésors de données dont les usines regorgent. « Aujourd’hui, on parle du secret de fabrication dans l’industrie. Demain, ce sera le secret des données. » conclut Dominique Martin.

 

Wiki Industri.e : des gisements d’économie dans le talon

Maintien des chambres froides à température, du chauffage hors gel, ou de l’air comprimé sous pression : les usines continuent de consommer, alors même que la production est à l’arrêt. Même discret, ce que l’on appelle le « talon de consommation » peut devenir au final coûteux pour un site industriel. D’où l’intérêt de trouver des actions pour réduire ce talon. Lesquelles ? Tour d’horizon.

 

1.  Le talon de consommation, c’est quoi ?

Classiquement dans l’industrie, le talon de consommation est défini comme « la consommation d’énergie d’un atelier hors production ». On songe évidemment aux périodes correspondant à la nuit, aux week-ends, aux ponts, aux congés annuels, à la maintenance…, aux durées plus ou moins longues. Le talon de consommation varie également selon la saison. Logiquement, le talon correspondant par exemple à la période de Noël sera plus consommateur que le talon d’arrêt d’été, car le chauffage continuera de fonctionner pour maintenir les bâtiments et les installations hors gel.

 

2.  Quelles actions mettre en place pour s’améliorer ?

Avant de mettre en place des actions, encore faut-il estimer la consommation d’énergie minimale lors des arrêts. Ce talon de référence sera par exemple mesuré lors des arrêts entre Noël et le Jour de l’An (pour le talon de référence d’hiver), et lors d’un pont en mai (pour le talon d’été). Durant ces deux périodes, un effort particulier est toujours réalisé par les équipes maintenance, pour arrêter tous les équipements consommateurs d’énergie qui doivent l’être. Les autres équipements fonctionneront à un niveau minimal établi en amont. À l’aide de ces données, le manager pourra encourager ses équipes à atteindre le talon de référence, aidé par une interface de supervision, qui lui permet de suivre les résultats des ateliers les plus éloignés du talon de référence pour les améliorer (ou à l’inverse ceux qui sont les plus proches pour les valoriser). Il peut ainsi prioriser les contrôles et repérer les équipements en défaut : autant d’éléments factuels pour animer la démarche de progrès auprès des équipes, pour que la consommation lors de l’arrêt suivant soit plus conforme au talon de référence. L’action mise en place pour réduire le talon peut également passer par la régulation des équipements (pilotage du chauffage par exemple).

 

3. L’autre talon

En plus des situations d’arrêts de production, un talon de consommations fixes existe aussi dans l’usine en activité. Il résulte d’une somme de consommations de natures différentes. Il peut correspondre à un mode de fonctionnement d’un atelier où les machines sont toutes en marche simultanément, même si ce n’est pas nécessaire. Ce peut être également dû à diverses « pertes » latentes, comme des fuites, des défauts thermiques ou des manques d’étanchéité lorsque les équipements sont en pression. Ce « talon de fonctionnement » est intéressant à réduire, car il correspond à une consommation d’énergie continue, pas uniquement durant les arrêts d’activité de l’usine, somme toute limités. Pour le diminuer, il convient d’abord de mesurer la consommation de l’atelier fonctionnant à vide, par machine et par type d’énergie. Vient ensuite l’analyse de ces consommations, pour différencier celles qui sont normales de celles qui correspondent à des pertes inutiles.