Open data sur la ville : l’exemple de la métropole lyonnaise

Alors que l’obligation d’ouverture des données publiques est entrée en vigueur le 7 octobre 2018, à peine 10 % des collectivités de plus de 3 500 habitants¹ avaient publié au moins un jeu de données à cette date, selon l’Observatoire Open Data des territoires. Les villes et les citoyens ont pourtant tellement de services à gagner en ouvrant leurs données. Les plus grandes villes l’ont compris et font partie des meilleurs élèves², à l’instar de la métropole de Lyon, comme en témoigne Maxime Valentin, responsable Développement Durable et Innovation de la SPL Lyon, aménageur du quartier Confluence.

Tout d’abord, qu’appelle-t-on les « données publiques » ?

Maxime Valentin – Le concept de « données publiques » couvre l’ensemble des données qui sont produites ou collectées par un État, une collectivité territoriale, ou une autorité administrative, dans le cadre des missions de service public. Ces données doivent être publiées, ou mises à disposition du public et communicables à toute personne en faisant la demande. Elles sont au cœur de la démarche d’ouverture des données.

Justement, comment définiriez-vous le concept d’open data ?

Maxime Valentin – Chaque individu produit des données, à travers ses activités du quotidien, sans forcément s’en rendre compte : lorsqu’il utilise son Smartphone, lorsqu’il se déplace en tramway, lorsqu’il utilise son GPS, lorsqu’il commande un objet par internet, ou encore lorsqu’il règle le chauffage ou la climatisation à son domicile. À ces données individuelles s’ajoutent d’autres informations, anonymes, que certaines organisations privées ou publiques peuvent choisir d’ouvrir à la collectivité en les rendant publiques.

Le terme d’open data désigne donc toutes ces données auxquelles n’importe qui peut accéder et que tout le monde peut utiliser ou partager. Mais pour être « open », ces data doivent remplir certains critères. Elles doivent être disponibles, réutilisables et distribuables (partageables), tout ça dans la perspective d’une participation universelle³.

Quel est le résultat concret pour une collectivité ou un territoire ?

Maxime Valentin – La collecte, l’agrégation et le partage de ces données publiques vont permettre de créer dans le cloud une copie virtuelle de notre ville, constituée de toutes les données partagées par les habitants, les distributeurs d’énergie, la poste, les entreprises, les smart buildings… Si la richesse et le volume de ces données peut impressionner, cela induit surtout un nouveau challenge pour la collectivité : comment peut-elle organiser cette ville virtuelle dans laquelle circulent une multitude de données privées et publiques ?

Pourquoi les villes devraient-elles mettre ces données à disposition ?

Maxime Valentin – Les raisons sont multiples mais la première est d’ordre réglementaire. L’ouverture des données publiques est en effet exigée depuis l’adoption de la loi pour la République Numérique. La mise à disposition des données par la ville permet de rendre l’action publique plus transparente et plus accessible aux citoyens, de soutenir l’innovation et de favoriser le développement économique. Mais surtout, la réutilisation de ces données donne la possibilité de développer des services aux usagers, pour répondre aux objectifs politiques en matière de santé, d’environnement et de transport notamment. Dans cette perspective, la ville va faire en sorte que les données soient non seulement disponibles, mais aussi qualifiées et accessibles, pour permettre aux acteurs de la ville de les croiser et de les traiter. Les données n’ont de valeur qu’à ces conditions.

Pour donner un exemple, la plateforme « Data Grand Lyon » de la métropole de Lyon est ouverte à tous les acteurs du territoire depuis 2011⁴. Elle répertorie et stocke les données de la métropole en temps réel, mais aussi celles du transporteur lyonnais Kéolis, du service de vélos en libre-service Velov’, de l’opérateur de parking Q-Park, de l’observatoire de l’environnement sonore Acoucité, de l’organisme pour la surveillance sur la qualité de l’air Air Rhône-Alpes, etc. En tout, près d’un millier de jeux de données sont disponibles ! L’ensemble des informations sont mises à jour automatiquement et accessibles dans des formats ouverts et normalisés afin de faciliter leur interopérabilité et leur croisement.

La plateforme Data Grand Lyon a ainsi permis de mettre en place de nombreux services – le service d’info-trafic Only Moov, par exemple, pour faciliter les déplacements des lyonnais, tous modes confondus. Pour calculer les itinéraires, il agrège des data historiques et dynamiques en temps réel. Dans le même esprit, un projet Maas (Mobility as a Service), basé sur des données libres et partagées, pourrait faire l’objet d’un démonstrateur à Confluence. L’objectif serait de réguler le trafic et de diminuer son impact sur l’environnement, en déterminant la meilleure option pour aller d’un point A à un point B, par covoiturage, trottinette électrique, Velov’, bus, tramway…, avec un seul ticket de transport.

En tant qu’aménageur, comment vous servez-vous de ces données ouvertes ?

Maxime Valentin – À titre d’exemple, nous développons avec les services de la métropole un démonstrateur (baptisé Confluence Monitoring System ou CMS) dans le cadre du programme européen Smarter Together, aux côtés des villes de Munich en Allemagne et Vienne en Autriche. CMS récupère des données de consommation d’énergie, de production d’énergie renouvelable (photovoltaïque et réseau de chaleur urbain) via la plateforme Data Grand Lyon, puis il les agrège, les traite et les analyse.

L’objectif est de savoir si les smart buildings construits dans le quartier Confluence et si les bâtiments éco-rénovés sont réellement performants en exploitation. Dans le cadre de ce programme européen, nous mesurons clairement l’avantage de disposer de la plateforme Open Data de la métropole pour faire transiter les données et réaliser notre analyse. L’exploitation des données fournies par Data Grand Lyon est un vrai plus pour nous car nous pouvons nous engager dans ce projet sur le long terme. En tant que collectivité, la métropole nous garantit la pérennité des données.

 

[1] Les villes de plus de 3 500 habitants sont soumises à l’obligation d’ouverture

[2] Plus de 40 % des villes de plus de 100 000 habitants publiaient leurs données en Open Data en 2018.

[3] Définition de l’Open Knowledge Foundation

[4] Avec certaines restrictions parfois, selon les usages envisagés quand ils sont commerciaux.

Télérelève des données énergétiques : quels choix pour les collectivités ?

Plus que jamais, les collectivités sont aujourd’hui confrontées à la nécessité de maîtriser leurs dépenses et à l’urgence de s’engager dans la transition énergétique. Sachant que le bâtiment représente à lui seul 44 % des consommations d’énergie en France, elles ont pleinement conscience que leur patrimoine immobilier constitue le premier levier d’actions face à ces exigences économiques et écologiques. Avant cela, elles doivent connaître et suivre les consommations de leurs bâtiments. Quels outils ont-elles à leur disposition pour effectuer la relève des données énergétiques rapidement et efficacement ? Quels sont les plus performants ? Eléments de réponse avec Jean-Christophe Bourgeois, directeur Innovation et Internet des objets chez Vertuoz.

 

Comment les collectivités suivent-elles aujourd’hui les consommations énergétiques de leur patrimoine immobilier ?

Jean-Christophe Bourgeois – La très grande majorité des collectivités territoriales utilisent simplement les factures de leurs fournisseurs d’énergie et de fluides – électricité, gaz, eau, fuel, bois… – comme sources principales de données des consommations de leurs bâtiments. Ces données relevées sur les factures servent de base pour réaliser des suivis annuels sur des tableurs de calculs Excel. Les collectivités qui veulent une analyse plus poussée vont utiliser une plateforme web de suivi plus sophistiquée, qui leur apporte une vision globale et fiable de leur patrimoine immobilier et de leurs consommations.

Mais le suivi à partir des factures reste peu précis et chronophage : les données sont reportées à la main – avec des risques d’erreurs – et sont disponibles à intervalles mensuels, ce qui n’est pas suffisant pour une analyse fine et efficace des consommations. Pour augmenter la fréquence des relèves de données de consommations, certaines collectivités réalisent un sourcing auprès de leurs distributeurs de fluides. Ceux-ci fournissent des relèves de données quotidiennes, effectuées à partir d’interfaces de programmation (NDLR : les API – Application Programming Interface). C’est un début d’automatisation de la collecte de données, mais finalement très peu de collectivités l’exploitent, notamment parce que seuls les compteurs généraux des distributeurs d’énergie sont susceptibles de fournir des données, pas les sous-compteurs qui se situent pourtant quant à eux au plus près des usages.

 

Risque d’erreur, perte de temps, manque de précision… des relèves sur les factures. Quelles sont les solutions plus performantes ?

Jean-Christophe Bourgeois – Les technologies de télérelève ont déjà fait leurs preuves en terme d’efficacité. Concrètement, les collectivités installent des instruments connectés sur chaque compteur. Ces infrastructures réalisent des relevés de données fiables et précises, à la maille horaire ou de la minute, de manière automatique, sans perdre de temps et sans risque d’erreur. Elles apportent une vraie valeur ajoutée aux collectivités, en matière d’analyse, de visualisation des consommations d’énergie et de détection des gaspillages. Ce sont de véritables aides au choix pour réaliser des économies.

Cette télérelève permet en outre de faire des économies sans investissement complémentaire, en mesurant le talon de consommation (qui correspond au fonctionnement d’un bâtiment hors occupation, la nuit, durant les congés ou les week-ends…). L’allure de ce talon indique si des équipements, comme l’éclairage, le chauffage, ou la climatisation, restent en marche alors qu’ils ne devraient pas. Sa mesure est donc indispensable aux collectivités pour identifier très simplement des pistes d’économies d’énergie, sans nécessiter des travaux de rénovation et en conservant les mêmes niveaux de confort pour les usagers des bâtiments.

 

Considérant ces avantages, pourquoi les collectivités n’ont-elles pas toutes opté pour un système de télérelève automatique ?

Jean-Christophe Bourgeois – Les technologies de télérelève sont en effet très performantes, et les collectivités en ont pleinement conscience. Mais ces technologies ont aussi un coût, que certaines hésitent à prendre en charge dans un contexte de maîtrise des budgets publics. Pour satisfaire les collectivités en demande de solutions alternatives, nous avons décidé de proposer une solution de relève de données  » low cost « , sans doute un peu moins performante que la précédente mais qui peut s’avérer tout à fait suffisante. Nous avons mis en place un système de télérelève manuelle automatisée. J’explique : des équipes techniques sont présentes au quotidien dans les bâtiments publics, pour la maintenance notamment. Le principe de cette nouvelle solution consiste à confier à ces techniciens la relève, en scannant à partir de leur smartphone les compteurs équipés d’une puce NFC ou un QR Code. En un clic, les données sont recueillies et transmises à un système d’information énergétique central. Aucun risque d’erreur humaine ou de perte de données !

Le système d’information compare automatiquement chaque nouvelle donnée à l’historique de data enregistrées, et alerte le technicien en cas de doute. Ces données récupérées sur le terrain sont ensuite traitées, analysées et restituées sur des tableaux de bord, sur le même modèle que le système de télérelève automatique. Généralement, les élus attendent que les économies soient affichées en tonnes de gaz à effet de serre épargnées, pour savoir si leur collectivité est en conformité avec ses objectifs d’impact CO2. Mais plus souvent encore, les politiques veulent des chiffres en euros. C’est direct, concret et clair, pour être en mesure de réaffecter les économies réalisées dans un nouvel investissement, des jeux d’enfants dans une école maternelle par exemple, utile à la collectivité et visible par tous les citoyens.

 

 

Le Machine Learning appliqué à l’énergie

Machine Learning, Deep Learning, Intelligence Artificielle, Big Data, Réseau de neurones, algorithmes génétiques… la technologie s’invite quotidiennement dans les discours marketing, et souvent de manière approximative. Faisons un point sur le Machine Learning et son intérêt pour l’efficacité énergétique industrielle.

 

Définition(s) : le Machine Learning

Le Machine Learning, ou apprentissage statistique, est l’une des disciplines de l’Intelligence Artificielle. Il utilise un ensemble de méthodes et d’algorithmes permettant de développer des logiciels autonomes, capables d’apprendre à reconnaître les états d’un système complexe à partir d’un historique des données du système observé.

Plusieurs types d’algorithmes peuvent y être combinés (arbres de décision, analyse discriminante linéaire, clustering…), dont les réseaux de neurones, célèbres par leur ambition initiale de reproduire le fonctionnement du cerveau humain. Quant au Deep Learning, c’est une « simple » (sic !) application des réseaux de neurones.

 

Applications : un large spectre

D’un point de vue fonctionnel, le Machine Learning comporte deux phases :

1- L’apprentissage initial : réalisé à partir d’un jeu de données d’entrée, et bien sûr des données de sortie correspondantes. Prenons un exemple dans l’industrie agroalimentaire : en entrée, la température d’un biscuit fraîchement cuit, l’hygrométrie et la température ambiante du laboratoire, les dimensions de la friandise, et une photo ; en sortie, sa conformité ou non, et les raisons de son éventuel refus (cuisson, taille, aspect…). Cette conformité ayant été évaluée « manuellement ».

2- Le fonctionnement : l’algorithme est ensuite en mesure de proposer une valeur de sortie, en fonction des données d’entrée qui lui sont fournies. Pour notre exemple : à partir des données collectées par des capteurs, l’application indique à l’automate les biscuits à écarter, et n’envoie que les bons en conditionnement. À noter : la phase de fonctionnement peut aussi comporter des fonctionnalités d’apprentissage, pour affiner les compétences de l’algorithme.

  |  De nombreuses applications concernent la perception d’un environnement et/ou d’un corpus de données complexes et variées :

  • Reconnaissance d’objets dans une image, indexation d’images, reconnaissance vocale…
  • Voiture autonome.
  • Détection de fraude.
  • Diagnostic médical.
  • Analyse financière.
  • Maintenance industrielle préventive/prédictive.

 

Statistique Vs Physique

Le Machine Learning repose sur des approches statistiques. Il diffère donc des modélisations physiques, construites à partir de la compréhension physico-chimique (thermodynamique ou mécanique des fluides par exemple) ou mathématique (économie, finance…) des phénomènes observés.

Trois conséquences doivent être prises en compte :

1- Le Machine Learning ne donne pas les raisons de sa « décision » : son approche statistique établit des corrélations entre plusieurs mesures, sans pour autant s’intéresser à leur causalité.

2- Ses capacités de reconnaissance restent valables à périmètre et conditions « constantes », ou du moins connues de l’algorithme : toute modification dans la nature ou le type des données d’entrée nécessite une nouvelle phase d’apprentissage. Concrètement, une modification du process industriel observé (changement de machine, de régime de température…), des moyens d’observation (capteurs…), ou encore des conditions extérieures (climat, modification du bâtiment…), doit conduire à une évaluation des conséquences sur l’algorithme de Machine Learning.

3- L’apprentissage initial et ses évolutions nécessitent des jeux de données historiques complets : tous les cas de figures doivent être présents, ce qui nécessite en général l’observation d’au moins un cycle complet (saisonnalité). Il est parfois possible de créer des données « virtuelles » à partir d’une modélisation physique partielle (on parle alors d’algorithme hybride).

 

Quels outils pour le secteur énergétique ?

L’Ingénieur process et l’Energy Manager trouveront dans le Machine Learning un allié de poids pour :

  • Prédire des consommations : à partir de la météo, du planning de charge, de la qualité des intrants… il devient possible d’estimer précisément l’intensité énergétique nécessaire pour les heures à venir, et ainsi d’adapter les conditions d’exploitation en avance de phase (stockage d’énergie, allumage / arrêt d’équipement…).
  • Organiser des approvisionnements : qu’il s’agisse de combustibles ou d’intrants dont la qualité impacte les besoins énergétiques, le Machine Learning permet de sélectionner la source d’approvisionnement optimale en fonction de la météo, du planning de charge, de la qualité de l’intrant et de la performance des équipements à un instant t.

 

Un exemple d’application pour une centrale biomasse

Le rendement d’une chaudière biomasse dépend fortement de l’hygrométrie des déchets verts qu’elle brûle, et qui proviennent de plusieurs communes de la région (rayon de 80 km). Les capacités de stockage tampon étant limitées aux abords de l’équipement, il est alors nécessaire d’adapter les livraisons du combustible au plus près des besoins réels de la chaudière, pour répondre à la demande de chaleur. Et la performance de cette production dépend de la qualité du combustible. L’algorithme de Machine Learning fonctionne ainsi sur le principe suivant :

D’une manière générale, il est recommandé de vérifier les conditions de fonctionnement d’un algorithme de Machine Learning au moins chaque trimestre.

 

En conclusion, le Machine Learning constitue un outil d’intérêt pour l’efficacité énergétique industrielle, à la fois pour la compréhension des phénomènes et pour le pilotage de l’activité. Vous voici rassuré : le Machine Learning n’est plus (totalement) une boîte noire pour vous !

 

Pour optimiser vos groupes froids et tours de refroidissement

Les groupes froids peuvent être complexes à opérer, surtout lorsqu’ils sont couplés entre eux et connectés à une ou plusieurs tours de refroidissement. Leurs performances énergétiques sont en effet étroitement liées à l’efficience de leurs sous-systèmes (compresseurs, pompes, échangeurs, évaporateurs…) ayant chacun un rendement nominal et optimal… Ils sont également extrêmement dépendants de leur environnement (tours de refroidissement, pompes de distribution, réseau, etc). Passons en revue quelques solutions pour en améliorer les performances énergétiques.

 

Avant d’agir : instrumenter pour mesurer le COP global

B.A.-BA de la démarche d’optimisation, le monitoring des groupes froids et des tours de refroidissement est un préalable à toute action correctrice. Il s’agit non seulement de déterminer le COefficient de Performance de chaque groupe et tour (via des mesures de débit, de température d’entrée et de sortie, et de consommation électrique) mais surtout de construire un COP global, intégrant les pompes de distributions, les auxiliaires, les consommations des tours aéroréfrigérantes, et tenant compte de la rigueur climatique (température et hygrométrie). L’idéal étant bien sûr de construire un historique de données d’une année afin de couvrir toutes les saisons et un maximum de conditions de production.

 

1- Investir dans une nouvelle technologie de production de froid

Les groupes les plus récents, à paliers magnétiques, sont particulièrement performants avec un COP atteignant aisément 7 ou 8 (contre 3 ou 4 pour un compresseur classique). Ces groupes froids sont très modulables et ne perdent pas en efficacité car ils contiennent plusieurs petits compresseurs qui démarrent en cascade. Ils sont en revanche très coûteux. En absence de budget, l’ajout de variateurs de puissance sur les compresseurs et pompes existants peut améliorer significativement les consommations.

Potentiel de gains : de 20 à près de 50 %

 

2- Ajouter un stockage tampon

L’ajout d’un réservoir de froid au niveau du by pass permet de faire travailler le compresseur essentiellement à son régime nominal, et de réduire le besoin de pointe. C’est donc une alternative aux cascades de groupes froids, qui offre également une meilleure stabilité électrique à l’échelle de l’usine. Un stockage très volumineux permet même d’optimiser les horaires de production de froid en fonction des contrats d’énergie.

Potentiel de gains : 5 % – 10 %

 

3- Changer d’énergie

Les groupes froids à absorption ont pour principe de « faire du froid avec du chaud »[1]. Si l’usine a par ailleurs des besoins importants en chaleur, il peut être intéressant d’implanter une centrale tri-génération : chaleur au gaz, production d’électricité conjointe, et récupération d’une partie de la chaleur fatale par un groupe froid à ab/adsorption. L’énergie électrique du compresseur, principale consommation des groupes froids classiques, disparaît alors carrément de l’équation !

Potentiel de gains : Dépend du contrat d’exploitation de la cogénération

 

4- Ajouter du « free cooling »

Lorsque les conditions climatiques le permettent suffisamment souvent, l’ajout d’échangeurs passifs à l’air libre (en général sur le toit de l’usine), permet de s’affranchir de l’usage des tours de refroidissement, et des consommations associées.

Potentiel de gains : 5 % – 15 %

 

5- SANS CAPEX : Optimiser les cascades d’engagement

Dès que plusieurs groupes travaillent en parallèle se pose la question de la meilleure combinaison (leurs puissances et performances pouvant être différentes) ainsi que du bon moment pour les démarrer. En s’appuyant sur leurs caractéristiques techniques (courbes de rendement, puissance, débits…) et sur l’historique de données, il est possible de construire des règles d’engagement basées sur des critères objectifs : débit dans le by pass, conditions atmosphériques, plan de production… Ces cascades prennent également en compte les performances des tours de refroidissement et leurs contraintes techniques (nombre, vitesse, délais de démarrage…).

Potentiel de gains : 10 % – 20 %

 

6- SANS CAPEX : Modifier les « set points »

L’analyse des données offre régulièrement des découvertes contre-intuitives, généralement liées à des effets systémiques : « L’optimum global ne résulte pas des optima locaux » explique l’expert Jean Vielle dans Factor.e (Ed#3 : « De l’importance d’une approche systémique »). Concrètement, il arrive fréquemment qu’en augmentant légèrement la consommation d’une tour aéroréfrigérante (simplement en diminuant sa température de consigne), on réduise encore plus celle des compresseurs des groupes froids. L’étude des bons réglages nécessite un solide travail sur les données et des tests en grandeur nature.

Potentiel de gains : 5 % – 10 %

 

7- (Presque) SANS CAPEX : Essayez la HP flottante

Benjamin Franklin n’a pas seulement fait voler des cerfs-volants les jours d’orage. Avant de fonder les USA, il démontra par son expérience « le bouillant de Franklin », qu’une faible pression réduit la température d’ébullition d’un liquide. C’est le principe de la HP flottante : réduire la haute pression du compresseur en fonction de la température extérieure (donc surtout en hiver) pour économiser des « bars » inutiles. L’achat d’un module de régulation spécifique est cependant nécessaire.

Potentiel de gains : 5 % – 15 %

 

Ainsi, avec ou sans investissement, rapidement ou avec un historique assorti de quelques études sur les données énergétiques, les solutions pour optimiser la consommation énergétique de votre production de froid s’avèrent variées. Leur efficacité sera d’autant plus importante que votre SIE (Système d’Information Énergétique) est complet.

 

[1] Une bonne explication ici :

https://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=11175#c6324+c6325+c6328

 

Bâtiment connecté : 4 valeurs d’usage apportées par les données

Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies, les actifs immobiliers fournissent des données qui permettent d’offrir plus de services aux résidents tout en optimisant l’utilisation des surfaces utiles et les coûts d’exploitation. Ce sont les bâtiements connectés. En couvrant l’ensemble de cette « chaîne de valeur DATA », Openfield et Vertuoz se positionnent comme un acteur unique, en travaillant à la création d’une nouvelle offre de services, créatrice de valeurs ajoutées pour l’ensemble des parties prenantes de l’immobilier.

 

cécile-hullin-openfield

« Un bâtiment intelligent, c’est tout d’abord un bâtiment producteur de données » explique Cécile Hullin, directrice des solutions clients chez Openfield. Pour opérer, il s’appuie sur différentes « couches » technologiques : des capteurs pour relever des informations, des infrastructures réseaux et de la connectivité, des systèmes informatiques et techniques qui vont produire leurs parts d’information, de la data science et de l’intelligence artificielle pour interpréter et valoriser les données. Cette dernière discipline est à la frontière des mathématiques et du langage informatique, en s’appuyant sur l’algorithmique… « Le bâtiment intelligent est aujourd’hui entré dans l’ère du big data. De gros volumes de données produits en temps réel et sous des formats variés. Le label R2S (« Ready to Service ») va inciter à plus d’interopérabilité dans les systèmes des bâtiments. Jusqu’à hier, les bâtiments n’étaient pas suffisamment ouverts pour que les croisements de données soient faisables et produisent réellement de la valeur » souligne Cécile Hullin. L’objectif est de faire du bâtiment une centrale de production de données, « au service de ses usagers, qu’il s’agisse de ses gestionnaires ou de ses occupants ». Et les cas d’usages sont nombreux.

 

1- Optimiser la gestion des espaces

En France, le taux d’occupation des bureaux est de 55%. Par ailleurs, 40% des salles de réunion sont réservées… mais ne sont pas utilisées. « Mesurer et comprendre l’usage des différents espaces et ressources pour les optimiser est donc sans doute le cas d’usage fondateur » indique Cécile Hullin. Bailleurs, preneurs ou gestionnaires ont besoin d’améliorer l’efficacité opérationnelle de leurs locaux, en phase avec les attentes des usagers et de maîtriser le coût au m2.

« Dans le tertiaire, un poste de travail est évalué entre 12 et 15 K€ par occupant. En confrontant les données réelles d’utilisation des postes, il est possible de réaménager au sein d’une même équipe ou d’un service avec plus d’agilité »

Cette gestion optimale des espaces et ressources est très intéressante pour le gestionnaire, alors que se développe le flex-office et le télétravail dans les entreprises. En élargissant le service de réservation aux autres ressources du bâtiment, comme les outils de travail (paperboard, écran…) ou les places de parking, la mesure de l’usage réel par rapport aux capacités proposées va offrir un nouveau service personnalisé à l’occupant tout en délivrant des économies potentielles à l’exploitant.

 

2- Améliorer la gestion des équipements et des services

Les données permettent également d’optimiser l’exploitation et la maintenance réalisées dans un bâtiment. « Jusqu’alors, les exploitants travaillaient avec des contrats et des engagements de services figés. Aujourd’hui, les dysfonctionnements peuvent être signalés par les occupants par exemple à partir d’une appli de smartphone ». Avec ces données, il est possible d’ajuster en temps réel le plan d’intervention d’un technicien et de rendre encore plus efficientes les actions de maintenance. Avec, à la clé, plus de qualité de services pour les occupants finaux et des coûts de maintenance souvent mieux maîtrisés pour les exploitants.

 

3- Doper le confort et la productivité des résidents

De nouveaux capteurs multi thématiques et multi usages vont générer des données mesurant la luminosité des espaces, leur hygrométrie, leur acoustique, leur température, la qualité de l’air… « Monitorer ces données sur le confort et le bien-être permet d’apporter des preuves concrètes sur la qualité de l’environnement de travail, ce qui en fait un levier d’attractivité et de fidélisation ». En parallèle, de nombreux services peuvent être déployés : application de covoiturage, de conciergerie, information sur la fréquentation du restaurant d’entreprise, géo-guidage dans les immeubles.

Les services RH des entreprises ont également la possibilité d’aller plus loin en proposant aujourd’hui des services additionnels avec la possibilité de faire de la prévention santé auprès des salariés :

« Un module de e-learning par exemple sur la santé au travail permet de faire de la sensibilisation auprès des salariés. Son usage rassemblera des informations sur l’état de santé au travail perçu par les collaborateurs, couplé à d’autres données comme le parcours géographique sur le lieu de travail ou encore les données de capteurs de bruit…. Autant d’indicateurs précieux, qui, lorsqu’ils sont croisés permettent d’alerter sur les risques ou les niveaux de performance au travail ».

4- Renforcer la performance énergétique

En bout de chaîne, les données contribuent à ajuster les consommations énergétiques. « En matière de Gestion Technique du Bâtiment (GTB) et notamment d’énergie, là encore, de nombreux instruments existent déjà, mais ils avaientt tendance à être plutôt fermés ». Aujourd’hui, dans le tertiaire, les nouveaux bâtiments sont capables de gérer le stockage et la répartition de l’énergie et de contribuer à la transition énergétique. Sur les bâtiments existants, il est également possible de collecter une mine d’informations pour faire des simulations et dimensionner efficacement la GTB d’un futur bâtiment, ou ajuster les réglages d’un automate déjà installé.

Toutes les données collectées, passées au filtre de la data analyse, constituent une mine d’informations pour ainsi assurer une meilleure maîtrise de l’énergie qui y sera consommée.

La collecte en temps réel et restitution de données « sensibles » sera également stratégique quand il s’agit de sites abritant des services ou des activités protégées (banques, ministères, laboratoire de recherche…). Elle facilitera la mise en place d’un plan d’intervention (confinement ou évacuation en cas d’alerte), avec un suivi en temps réel des flux d’individus. L’anonymisation et le brouillage de parcours seront critiques dans le traitement des données.

 

En conclusion…

La valeur ajoutée des données appliquées aux bâtiments tertiaires ne fait aucun doute. Il convient néanmoins de prioriser et d’intégrer de nouvelles solutions de collecte, traitement et exploitation des données. « Travailler la performance énergétique sans avoir maîtrisé au préalable l’occupation de l’espace de travail n’apporterait pas beaucoup. Les sujets de confort, de bien-être ou qualité de vie au travail peuvent apporter des bénéfices substantiels d’un point de vue RH pour les entreprises ayant un très fort turn-over ou des difficultés de recrutement. La gouvernance des données est un sujet délicat à aborder et à clarifier très vite » met en lumière Cécile Hullin.

La question de la confidentialité des données en est un autre, si le bâtiment se dote de la capacité à tracer les comportements de ses occupants. Il convient de moduler ses inquiétudes : depuis mai 2018, les entreprises ont l’obligation d’être conforme au Règlement Générale sur la Protection des Données (RGPD). « En matière de données récoltées dans le bâtiment, un devoir d’information est obligatoire auprès des occupants, assorti d’un registre de consentement éclairé. Le respect de la confidentialité des données doit être assorti de garanties précises » commente la directrice des solutions clients. L’anonymisation des données par les algorithmes est rapidement stratégique. « Un sujet qui n’est jamais bloquant pour autant que l’usager final soit conscient de la valeur ajoutée apportée par les données » conclut Cécile Hullin.

5 conseils d’expert pour brancher votre bâtiment à la mobilité électrique

Avec une croissance de 45 % en France en 2018 (VS +25 % en 2017), le marché du véhicule électrique pour les parcs d’entreprises s’accélère. Selon le dernier baromètre de l’Observatoire du Véhicule d’Entreprise, 41 % des entreprises françaises disposent de véhicules « propres » ou en prévoient l’acquisition au cours des trois prochaines années. Dans les grands groupes, cette proportion atteint même 68 %, dont 52 % pour l’électrique. Il y a donc urgence à mettre en place tous les équipements et services nécessaires pour que les immeubles tertiaires intègrent les usages de la mobilité électrique. Pour accompagner les gestionnaires des bâtiments, Aurélie Balcon, experte E-Mobility chez ENGIE, livre cinq précieux conseils.

 

Conseil n°1 – Déterminez les usages réels en mobilité de votre bâtiment.

Pour un bâtiment tertiaire, un immeuble de bureaux par exemple, où la majorité des occupants sont sédentaires, pas de difficulté majeure. Le choix se portera sur des bornes de faible puissance (3,7 à 7,4 kW) destinées à charger des véhicules électriques durant les journées de travail. Il faut en effet profiter au maximum des temps où les véhicules sont à l’arrêt : plus ils sont stationnés longtemps, moins la puissance nécessaire à la recharge doit être élevée. À l’opposé, les usages et les besoins d’équipements seront logiquement différents pour un bâtiment où les occupants sont très mobiles et dont les véhicules doivent tourner en continu 24 h/24. Si tout ou partie de la flotte automobile passe à l’électrique, le site devra recourir à des bornes de forte puissance (350 kW).

Mais entre ces deux typologies d’entreprise, le champ des possibles est très étendu et le choix plus complexe. Pour un immeuble de bureaux qui accueille à la fois des salariés sédentaires, des consultants hors site, des commerciaux, des livreurs, etc., les besoins de mobilité et de recharge varient selon les profils. Les administratifs utiliseront des bornes lentes, tandis que les commerciaux ou les livreurs, plus nomades, auront besoin de bornes rapides pour ne pas perdre de temps lors des recharges.

 

Conseil n°2 – Évaluez les besoins de charge et de puissance pour votre bâtiment.

Dans tous les cas, l’installation électrique est impactée par la mise en place d’infrastructures de recharge électrique, même lorsqu’elles sont de faible puissance. L’installation de cinq bornes de 7,4 kW, pour les besoins des occupants d’un bâtiment de taille moyenne par exemple, risque de doubler ses besoins d’électricité. Face à cet impact, l’exploitant va devoir contrôler si son installation est suffisante pour supporter l’appel de puissance supplémentaire, si le réseau électrique est capable de fournir l’énergie nécessaire, si son contrat de fourniture d’énergie est adapté ou s’il faut le renégocier…

Par ailleurs, confronté à ces nouveaux besoins d’électricité, l’exploitant a tout intérêt à installer sur le bâtiment un dispositif de production d’énergie renouvelable, voire d’opter pour l’autoconsommation. Pour une borne lente, une ombrière de parking peut suffire. Une batterie stationnaire de stockage complètera l’installation, pour disposer d’énergie quand la recharge de véhicules le nécessitera, même en absence de soleil. Quoiqu’il en soit, l’infrastructure aura besoin de « l’intelligence » d’une plateforme digitale dédiée, à l’instar de Vertuoz Born’Elec, pour piloter les recharges électriques et s’adapter au réseau.

Conseil n°3 – Partagez un outil de supervision commun avec le gestionnaire de flotte

Jusqu’à récemment, les missions de l’exploitant du bâtiment et du gestionnaire de la flotte d’entreprise étaient distinctes, avec des logiques d’achat différenciées. Gestion de l’énergie et des fluides pour l’immeuble d’un côté, location, entretien et mise à disposition des véhicules de l’autre.. Mais désormais l’usage des bornes de recharge impacte l’installation électrique du bâtiment. Les deux fonctions vont donc interagir pour étudier ensemble les solutions qui permettront de piloter l’énergie de la manière la plus fluide et la plus équilibrée possible. Dans cette perspective, l’utilisation d’une plateforme numérique multiservices comme Vertuoz by ENGIE, va les aider à gérer efficacement les flux d’énergie entre le bâtiment et les infrastructures de recharge. L’objectif pour eux étant de suivre les consommations et d’être informés en temps réel.

Vertuoz Born’Elec : la supervision est dans la borne !

Vertuoz Born’Elec est une solution intelligente de recharge pour véhicules électriques combinant offre matérielle, portail web et services avancés. En marge de l’installation et de l’entretien des stations de recharge, cette solution propose une plateforme de supervision de l’état des stations et de suivi de tous les flux, doublée d’un système de gestion dynamique de la charge et de priorisation des bornes, non seulement selon les contraintes du réseau électrique mais aussi en fonction du temps de stationnement du véhicule et du nombre de kilomètres planifié par le conducteur.

L’exploitant dispose ainsi d’un accès en temps réel au suivi de la consommation des bornes et peut piloter à distance ses points de recharge. Des rapports d’analyse lui permette par ailleurs d’analyser les pics d’activités, de comparer les consommations énergétiques de ses sites sur une période donnée et de refacturer le service de recharge aux habitants utilisateurs.

Enfin, pour les conducteurs de véhicule électrique, Born’Elec simplifie la réservation des bornes de recharge.

 

Conseil n°4 – Optez pour le modèle économique qui convient à votre investissement

Acheter ou louer le service de recharge électrique ? Plusieurs stratégies sont possibles. Première option : acheter les infrastructures de recharge, les installer et s’abonner à un service de supervision de la borne.
Deuxième option : financer la solution de charge, son installation, les services énergétiques, tout comme l’accès à l’énergie, en renégociant son contrat et/ou avec un système de production d’énergie renouvelable et de stockage.
Troisième option : confier à une société l’acquisition, l’installation et la supervision des bornes, contre un loyer mensuel. Cette stratégie de « Charging as a Service » rencontre de plus en plus de succès.

Aujourd’hui, la plupart des immeubles de bureaux offrent les recharges à leurs occupants. C’est le cas de la Tour ENGIE à La Défense : collaborateurs et visiteurs rechargent gratuitement leur véhicule électrique. D’autres bâtiments s’engagent également en ce sens. Prenons l’exemple des supermarchés. Certains proposent à leurs clients de profiter de recharges gratuites ou à bas coût à condition d’avoir une carte de fidélité. Ce modèle n’a toutefois pas vocation à perdurer dans la mesure où, progressivement, un prix de la recharge devrait s’établir sur le territoire français.

Conseil n°5 – Entourez-vous d’experts pour brancher votre bâtiment à la mobilité électrique

Certaines entreprises ont déjà largement défriché le sujet de l’écomobilité pour leurs propres bâtiments. Ces derniers sont en capacité d’apporter des conseils. Pourquoi ne pas profiter de l’expérience de La Poste, par exemple, qui dispose de la plus grande flotte de véhicules électriques en France ? Ou de celle du groupe ENGIE, qui se place juste derrière ? ENGIE a confié le renouvellement de sa flotte à une équipe projet interne. L’équipe a acquis d’importantes connaissances sur les technologies, le pilotage de l’énergie et la gestion du parc électrique. Son expérience est précieuse pour développer l’écomobilité des occupants des bâtiments publics et privés. Ainsi, nous répondons déjà aux besoins des territoires et des entreprises en matière d’équipement en infrastructures de recharge. À Rotterdam par exemple.

Conformité RGPD et data privacy : le bâtiment aussi est concerné

À l’heure où de grandes quantités de data y sont produites et que les objets connectés colonisent le bâtiment, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) concerne évidemment aussi les bâtiments intelligents. Une question se pose alors : comment s’y prendre pour être en conformité ? Éléments de réponse avec Guillaume Lerouge, Responsable juridique et Data Privacy Manager chez ENGIE Cofely.

 

Quelles sont les grandes lignes du RGPD et les avancées en matière de protection des données personnelles ?

« Le RGPD est entré en application le 25 mai 2018, pour d’une part renforcer les droits et le contrôle des citoyens de l’Union européenne sur leurs données personnelles et d’autre part intensifier les obligations à la charge des organisations privées et publiques qui collectent et exploitent ces données, notamment en matière d’information des personnes, de recueil du consentement, de traçabilité et de documentation interne. »

En cas de manquement à ces obligations, les personnes concernées peuvent se tourner vers l’autorité de contrôle du pays. Pour la France, il s’agit de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, la CNIL. Les sanctions encourues par les organisations qui ne respectent pas le RGPD sont très lourdes, puisqu’elles peuvent aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’entité.

Et attention : ces sanctions concernent aussi bien les « responsables de traitements » (notamment l’entreprise propriétaire ou locataire d’un site, représentée par son directeur immobilier) que les « sous-traitants » (en particulier le prestataire qui installe et exploite des objets connectés). Désormais, ces différents acteurs partagent la responsabilité de gérer les données conformément à la réglementation.

 

Parlons smart building : dans quelle mesure est-il impacté par le RGPD ?

« Par essence, les smart buildings produisent une multitude de données, notamment celles fournies par les compteurs intelligents et les différents capteurs qu’ils contiennent. Or certaines d’entre elles peuvent être qualifiées de données à caractère personnel au sens du RGPD, dès lors qu’elles se rattachent, même indirectement, à une personne physique. La protection de ces données doit donc être prise très au sérieux par les acteurs du bâtiment. Cela, à chacune des étapes de la vie du bâtiment, en phase de conception, de réalisation et d’exploitation. »

Une prise en compte en amont de la protection des données est nécessaire. En effet, les différents intervenants du smart building, c’est-à-dire les fabricants d’objets, les maîtres d’œuvre, les constructeurs, ou encore les fournisseurs d’énergie, doivent tous intégrer cette question, dès l’étape d’élaboration des objets connectés, de la conception du bâtiment qui les accueille, ou de mise au point de services aux occupants, selon le principe de « privacy by design ». Le RGPD impose ainsi le principe d’une protection dès qu’un process impliquant un traitement de données à caractère personnel est créé. Il existe un document de référence très utile en la matière, le pack conformité « compteurs communicants » de la CNIL, dont les grands principes restent globalement valables même s’il date de 2014, avant l’entrée en application du RGPD.

Enfin, dans le cas particulier de l’utilisation d’une maquette BIM, les acteurs du bâtiment doivent là aussi être vigilants. Dans une moindre mesure au cours des étapes de conception et de construction, car la maquette constitue un simple support à l’édification du smart building et n’a vocation qu’à partager des données professionnelles, relatives aux différents intervenants. En revanche, beaucoup plus en phase d’exploitation et maintenance, car la maquette intègre alors des données relatives à l’usage du bâtiment et à ses occupants.

Quels sont les principes de protection des données à caractère personnel dans le bâtiment ?

« La conformité au RGPD implique un plan d’actions global et l’intervention de nombreux acteurs. Ainsi, le directeur immobilier, responsable du site, devrait en premier lieu associer le délégué à la protection des données (DPD) de son entité pour organiser, piloter et mettre en œuvre ce plan d’actions. »

Le DPD a pour mission d’animer un groupe d’experts de différents domaines (informatique, juridique, mais aussi Ressources Humaines), en vue de mettre en œuvre l’ensemble des mesures nécessaires à la mise en conformité avec le RGPD. Celle-ci implique une revue complète des processus en la matière. Il s’agit notamment de recenser les données collectées et leurs usages, pour dessiner une cartographie d’ensemble des « traitements de données » opérés au sein du bâtiment, et de vérifier la légitimité globale des opérations : détermination de leur base légale, caractère loyal et proportionnel des données recueillies (ce qu’on appelle « privacy by default »), durée de conservation limitée et système de purge au-delà, mesures de sécurité et confidentialité, etc. Ce recensement servira à constituer le « registre des activités de traitement » qui représente un élément essentiel de conformité au RGPD.

De surcroît, si le DPD considère qu’un traitement de données est susceptible d’engendrer des risques spécifiques et potentiellement élevés pour les droits et libertés des personnes, il devra en plus effectuer une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD). Ce sera nécessaire, par exemple, en cas de géolocalisation des occupants dans les bâtiments.

 

Quelles obligations en découlent pour les différentes parties prenantes du bâtiment ?

« Le gestionnaire du site a une obligation d’information, voire de recueil du consentement pour certaines applications, auprès des occupants dont il récupère les données, qu’ils soient permanents ou visiteurs. Cette information peut s’effectuer par voie d’affichage dans le bâtiment ou individuellement via un formulaire, sous format papier ou directement sur l’application numérique utilisée. Cette mention détaille les raisons pour lesquelles les données sont collectées, les personnes qui y ont accès, la durée pendant laquelle les données seront conservées, les modalités dans lesquelles les personnes peuvent faire valoir leurs droits (droits d’accès, de rectification, d’opposition, de limitation, de portabilité…). En principe, les institutions représentatives du personnel (IRP) devront être associées en amont du projet, dès lors que le dispositif technique mis en place concerne les salariés. »

Au-delà de l’information, le directeur immobilier va mettre en œuvre des outils et mesures nécessaires pour garantir la sécurité des données et en assurer la confidentialité, via la gestion attentive des accès aux données et des habilitations à les visionner, les mises à jour régulières des logiciels et des antivirus, l’utilisation de mots de passe robustes, le chiffrement, des solutions de pseudonymisation voire d’anonymisation des données, des sauvegardes pour éviter les pertes de données…

Enfin, le gestionnaire du bâtiment est responsable non seulement des données qu’il utilise mais aussi de celles transmises à des prestataires – les « sous-traitants » au sens du RGPD – dans le cadre des services numériques. Sur un plan contractuel, il va devoir valider que les différents intervenants tout au long du cycle de vie du smart building, du bureau d’études au mainteneur, sont tous à même de garantir la protection des données personnelles des occupants et visiteurs.

Le respect de l’ensemble de ces principes doit permettre au directeur immobilier de satisfaire aux principales exigences du RGPD. Vous pouvez être tranquille !