L’eau et l’énergie sont des utilités intimement liées dans une usine. La preuve ? Avec une eau de mauvaise qualité, un osmoseur, un échangeur de chaleur, ou une tour aéroréfrigérante voient leur efficacité énergétique chuter : une bonne raison pour veiller attentivement sur « l’efficacité hydrique » dans l’industrie. Une vision défendue par Stéphane Gilbert, Président du Directoire d’Aquassay, entreprise spécialisée dans l’efficacité de l’usage de l’eau.
L’efficacité énergétique, tout le monde connaît. Mais qu’est-ce que l’efficacité hydrique ?
Stéphane Gilbert – En effet, l’efficacité hydrique est encore peu connue. C’est un concept très récent, du début des années 2010, né d’une conviction forte : celle que l’eau est un bien précieux, altérable, épuisable et coûteux. Concrètement, l’efficacité hydrique est une démarche globale d’optimisation de la gestion de l’eau dans l’industrie, tant sur la qualité que sur la quantité. L’objectif de l’efficacité hydrique est de moins consommer d’eau, de mieux produire et de moins rejeter de polluants. Nous nous appuyons sur les sciences et les techniques du numérique pour faire de l’efficacité hydrique « data driven » et ainsi agir sur les usages du cycle de l’eau.
Quels sont les liens entre eau et énergie dans l’industrie ?
SG – J’ai l’habitude de dire que l’efficacité hydrique et l’efficacité énergétique dans l’industrie représentent les deux faces d’une même pièce de monnaie. La raison est d’abord de nature physico-chimique : l’eau a la formidable capacité d’emmagasiner l’énergie. En clair, elle joue le rôle de vecteur thermique, permettant à la fois de chauffer ou de refroidir. L’eau est donc au cœur des procédés industriels, pour produire par exemple de l’électricité ou de la vapeur.
On comprend bien dès lors que la qualité de l’eau influe sur la qualité de cette production. Imaginez : prenez de l’eau trop calcaire dans un échangeur de chaleur. Dans l’eau chaude, le calcaire précipite et une couche de tartre se forme sur les parois… qui va se comporter comme un isolant. Non seulement l’échangeur peut perdre 40 % en performance énergétique, mais en plus l’industriel devra supporter des frais de maintenance pour se débarrasser du tartre. Ces dépenses vont pourtant être comptabilisées comme des coûts liés à l’énergie. Or l’eau de mauvaise qualité est la seule responsable de ces médiocres performances.
Récemment, nous avons réalisé un audit pour identifier les coûts de l’eau dans une usine et nous avons constaté que les frais imputables à l’eau étaient largement sous-estimés. Ils sont jusqu’à 10 fois supérieurs aux coûts visibles de l’eau, c’est-à-dire ceux de l’approvisionnement cumulés à ceux du traitement des rejets.
Comment une solution numérique reliant eau et énergie apporte-t-elle des bénéfices ?
SG – Il est indispensable de considérer l’usine comme un système intégré, qui consomme de l’énergie, de l’eau, de l’air, qui fabrique des produits manufacturés, qui crée et rejette des déchets. Les avancées des sciences et les techniques du numérique permettent désormais de recueillir, trier et analyser ensemble tous types de data, provenant de plateformes digitales variées, dans une banque de données unique.
C’est, pour l’industriel, la possibilité d’étudier conjointement tous les éléments qui interagissent dans son usine, pour mieux en comprendre la complexité et pour apporter une vraie valeur ajoutée. Cette nouvelle vision holistique permet d’optimiser les productions alors même que tout semble bien fonctionner.
Un exemple : en surveillant à la fois le cycle de l’eau et la chaudière vapeur d’une laiterie, nous avons constaté un retour d’eau froide dans les condensats. Le client n’en soupçonnait même pas l’existence ! En interdisant ce retour d’eau froide, il a gagné l’équivalent de 10 000 euros par an en énergie. La preuve qu’en surveillant ensemble la gestion de l’eau et de l’énergie, les solutions sont pertinentes et les bénéfices très rapides.
L’idée est donc de surveiller le système industriel dans sa globalité. Uniquement ?
SG – Non, pas seulement. L’usine doit être supervisée en tant que système intégré, comme nous venons de le montrer. Mais pas seulement. Elle doit aussi être suivie en dynamique, car la qualité de l’eau varie en permanence. L’inertie thermique de l’eau et l’inertie liée à sa masse doivent également être considérées. En conséquence, l’influence de l’eau sur la performance énergétique et industrielle doit être étudiée à la fois en temps réel et dans le temps.
Cela permet aux techniciens d’adapter les process et de détecter les incidents précocement grâce aux calculs prédictifs issus de l’historisation des données. Les industriels peuvent ainsi optimiser leur production, mais aussi économiser l’énergie et l’eau. Car contrairement à ce que l’on croit parfois, l’eau n’est ni gratuite, ni inaltérable, ni inépuisable. La surveillance de la gestion de l’eau est même pour nous une question citoyenne qu’il ne faut pas occulter !
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Aquassay en bref
2015 – la création en juillet
21 collaborateurs
22 sites équipés dans 5 pays : Algérie, Bulgarie, Égypte, France, Suisse
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