Quels sont les leviers pour optimiser la performance énergétique des bâtiments tertiaires ?

La collecte de données est un levier indispensable pour agir sur la performance des bâtiments tertiaires, mais ce n’est pas suffisant. Cette donnée doit impérativement être qualifiée – ce qui exige l’intervention d’une expertise d’acquisition – facilement accessible et utilisable par les différentes parties prenantes du bâtiment. Elle doit également être à valeur ajoutée, notamment pour nourrir un contrat d’obligation de résultat. Explications par Samir Boukhalfa, responsable marketing chez Vertuoz by ENGIE.

Dans le tertiaire, le responsable de l’immobilier cherche en permanence à concilier économies d’énergie et confort des occupants. Quel levier peut-il actionner pour améliorer cette performance du bâtiment ?

Samir Boukhalfa – Avant toute démarche d’économie, il est important de savoir ce que l’on consomme. Collecter les données énergétiques et les factures, chercher à comprendre les usages et le fonctionnement du bâtiment sont les premières actions à conduire. C’est même un levier incontournable de la performance énergétique du bâtiment, qui peut apporter 10 à 20 % d’économie sans investissement, uniquement en adoptant des gestes économes et des réglages appropriés. Pas besoin d’installer des nouveaux compteurs partout dans le bâtiment. Il suffit déjà d’exploiter la donnée existante dans le bâtiment, comme les compteurs généraux et les factures. Bien entendu, pour exploiter plus finement le bâtiment, il est possible d’améliorer la connaissance des usages et des espaces, grâce aux objets connectés, comme des capteurs de présence ou des détecteurs d’ouverture sur les fenêtres et les portes. Quoiqu’il en soit, il faut que les systèmes qui fournissent les données « parlent un langage commun », c’est-à-dire qu’ils utilisent les mêmes protocoles de communication – bref, qu’ils soient ouverts et interopérables.

Et surtout, il faut que la donnée soit « qualifiée », c’est-à-dire qu’elle soit digérée, interprétée, rendue intelligible. La qualification de donnée et la création de valeur par les algorithmes et le prédictif sont des pré-requis aussi importants que la collecte, pour générer de la performance. Pour qualifier cette donnée, le gestionnaire du bâtiment peut être accompagné par un expert de la performance énergétique, qui l’aidera à choisir les données les plus pertinentes et lui fournira des clés ou des outils d’interprétation. Il peut aussi utiliser une plateforme d’analyse, capable de rendre ses données directement lisibles, sans qu’il soit spécialiste. Les savoir-faire d’experts et les outils numériques peuvent ainsi combiner leurs effets, pour aider le gestionnaire à prendre les meilleures solutions.

Comment ces données vont-elles optimiser la performance énergétique des bâtiments ?

Samir Boukhalfa – Ces données traitées et digérées vont être « décloisonnées », pour être partagées par tous les acteurs du bâtiment : le gestionnaire, les parties prenantes (en particulier les techniciens de maintenance) et les usagers. Ce partage d’informations constitue un second levier d’une performance énergétique réussie. Elle dépend en effet de l’intervention de toute une chaîne d’acteurs. L’amélioration de la performance est un projet collectif. Il faut donc imaginer que le gestionnaire, le mainteneur et les usagers partagent une plateforme commune (avec des accès différenciés) pour communiquer ensemble et agir chacun à leurs niveaux.

Grâce à la supervision et l’analyse, le gestionnaire pourra faire des choix techniques et des stratégies d’investissements adaptés à la performance attendue. Il pourra communiquer avec ses parties prenantes pour un meilleur suivi des équipements et renforcer le dialogue avec les occupants de son bâtiment pour les sensibiliser aux éco-gestes par exemple.

Le mainteneur, lui, pourra suivre l’état des installations et recevra des alertes. Le numérique lui permettra ainsi d’anticiper l’entretien, avant tout dysfonctionnement. Et en cas de panne, le mainteneur pourra même prendre en main les équipements à distance. Ou, s’il se déplace, il aura déjà sur place une idée précise du réglage à effectuer ou de la réparation à réaliser. C’est, pour le mainteneur, plus de temps gagné et plus d’efficacité opérationnelle. Pour le bâtiment, c’est l’assurance d’une performance en continu.

Côté usager, le numérique offre l’opportunité d’être sensibilisé aux dépenses d’énergie, tout en gardant le contrôle et le pilotage de son confort (température dans son espace de travail, ouverture des stores ou intensité de la lumière). Le gestionnaire du bâtiment remportera ainsi plus facilement l’adhésion de l’usager sur la performance énergétique, tout en garantissant un niveau de service et de confort adapté.

Comment s’assurer que ces optimisations de performance perdurent dans le bâtiment ?

Samir Boukhalfa – Pour être certain que cette performance se poursuive durant toute la période d’exploitation, le maître d’ouvrage a tout intérêt à souscrire un contrat d’obligation de résultat. Les avantages ? Garantir la performance dans le temps, sécuriser les éventuels investissements et éviter les effets rebonds – une dérive par exemple. Dans ce cadre, le numérique représente là aussi une aide précieuse. Il permet de quantifier des objectifs chiffrés (par exemple en kWh/m2/an ou en euros), de mesurer et tracer les consommations et les dépenses, de vérifier en continu les performances du bâtiment et les écarts. En d’autres termes, un tiers de confiance et un juge de paix pour une performance énergétique durable !

Les bonnes pratiques de la collecte de données pour les bâtiments publics

On ne gère bien que ce que l’on connaît bien. Les collectivités ont donc tout intérêt à recueillir un maximum d’informations sur leur parc immobilier avant de chercher à optimiser ses performances. Quelles informations doivent-elles privilégier ? Avec de la méthode, la collecte de données apportera les meilleurs résultats. Mode d’emploi et bonnes pratiques par Régis-Emmanuel Ganet, chef de Produit chez Vertuoz by ENGIE.

Hôtel de ville ou de région, écoles, collèges, lycées, gymnases, piscines, bibliothèque… Chauffage, climatisation, éclairage, data center… « En amont des projets d’efficacité énergétique, confie Régis-Emmanuel Ganet, un inventaire précis des biens immobiliers de la collectivité et des points de comptage et mesure que l’on veut prendre en compte, représente un exercice préalable incontournable. C’est même l’une des conditions indispensables pour faciliter l’analyse des données et ainsi prendre les bonnes décisions ensuite. »

Second impératif : à quelle échelle veut-on récolter les informations ? « Préoccupons-nous de la maille temporelle d’abord, indique Régis-Emmanuel Ganet. La fréquence des mesures des données sera-t-elle mensuelle, quotidienne, voire horaire ? Pour l’ensemble du parc immobilier, la collectivité peut décider de recueillir les données de consommations à l’échelle du mois en exploitant les factures d’électricité, de gaz naturel, de fuel ou d’eau, qui contiennent déjà l’essentiel des informations pour tous les fluides de la collectivité. Mais lorsqu’elle s’intéresse à un bâtiment énergivore, la collectivité peut choisir de suivre les data à l’échelle quotidienne ou horaire. À une maille plus fine en effet, elle pourra mieux comprendre comment ce bâtiment consomme. »

Même question sur le plan spatial : les données les plus utiles vont-elles être obtenues au niveau des compteurs généraux à l’échelle de tout le bâtiment ou à une granularité plus fine, sur les sous-compteurs à chaque étage de ce même bâtiment par exemple ?

Surfaces, occupants et localisation : les données « statiques » de référence

Une fois cet état de référence des bâtiments, des usages et de la précision établie, la collecte des données peut démarrer. À condition de bien les choisir. De la bonne description des bâtiments dépendra l’efficacité de l’analyse et des décisions prises. « Commençons par différentes informations purement immobilières, conseille Régis-Emmanuel Ganet. La description précise des bâtiments, le nombre de zones ou d’étages, les surfaces totales et les surfaces utiles, les surfaces chauffées, le nombre d’occupants… : tout ce qui peut permettre de comparer les bâtiments entre eux et faciliter l’analyse. » L’adresse des bâtiments et leur zone géographique ne doivent surtout pas être oubliées.

Elles permettent de corréler les conditions météorologiques locales, avec les consommations. Si un bâtiment dépense beaucoup d’énergie à chauffer à 19 °C quand la température extérieure dépasse + 15 °C, il y a de quoi se poser des questions sur ses performances énergétiques ou sur le comportement des occupants !

« Évidemment, il convient aussi de rassembler la liste des points de comptage et de mesures existants, et ceux à ajouter le cas échéant, dans les bâtiments et les étages, poursuit Régis-Emmanuel Ganet. Cette liste devra mentionner le nom et l’identifiant des points de comptage et de mesure, ainsi que les fluides associés. N’oubliez pas non plus de répertorier les bâtiments et les zones desservis par les compteurs. Dernière recommandation : pensez à récupérer les données de contrats de fourniture. Elles permettent de connaître le coût des fluides. »

Factures, relèves, télérelèves : les données « dynamiques » mises à jour régulièrement

Passons maintenant aux informations liées aux consommations, les données dynamiques. Les factures sont des sources particulièrement intéressantes pour leur valeur comptable : non seulement elles indiquent les consommations d’énergie en kWh ou d’eau en m3, mais en plus elles affichent en parallèle les dépenses en euros (valeur comptable).

« L’intérêt des factures tient aussi dans la facilité avec laquelle on peut récupérer les données, explique Régis-Emmanuel Ganet. Si la saisie manuelle de lignes de données est envisageable pour les petites collectivités, l’importation de tableaux Excel depuis les sites web fournisseurs d’énergie est une solution plus pratique. Mieux : les collectivités peuvent confier cette mission de collecte à des plateformes logicielles, qui vont « aspirer » automatiquement les informations provenant des factures directement chez les fournisseurs. C’est simple et sans erreur. »

Autre source de données : les relèves manuelles réalisées régulièrement par les équipes techniques dans le cadre de la gestion des bâtiments. « Les collectivités sont par essence multi sites. La difficulté d’exploitation de ces relèves est qu’elles sont éparpillées sur un territoire plus ou moins étendu, réalisées par plusieurs interlocuteurs. La solution ? Les rassembler au sein d’une même solution web et les rationaliser. »

Les bâtiments communicants, a minima instrumentés avec des capteurs, vont pouvoir, quant à eux, fournir aux collectivités des données de télérelève. Ce process automatique permet de récupérer une infinité de données à des fréquences rapides, avec des mesures plusieurs fois par jour voire à intervalles horaires. Transmises via les réseaux des bâtiments ou des télécoms et centralisées avec les informations des factures et des relèves manuelles, ces données vont enrichir les analyses pour les rendre plus précises et plus efficaces.

Parfois, des données extérieures, liées à l’activité et à l’intensité d’usage du bâtiment, seront ajoutées : le nombre de visiteurs à la piscine ou le calendrier des vacances scolaires pour une école par exemple. « Comme vous le constatez, la majorité de ces informations sont déjà accessibles sans avoir besoin d’investir, conclut Régis-Emmanuel Ganet. Pour les analyser aisément, ces quatre typologies de données – factures, relèves, télérelèves et data extérieures – seront agrégées, croisées et visualisées dans un même outil, par exemple le tableau de bord énergétique Vertuoz, qui apporte une vision globale de tout le patrimoine immobilier de la collectivité, pour préparer des actions d’efficacité énergétique. »

Ces données variées, provenant de sources diverses et d’interlocuteurs multiples, seront ainsi rendues synthétiques et intelligibles. Elles permettront non seulement d’analyser les consommations et les dépenses mais aussi de comparer les bâtiments. À partir de rapports fiables et documentés, les exploitants des collectivités pourront alors choisir les axes d’amélioration les plus adaptés pour optimiser les performances de leurs parcs immobiliers. Ce, sur des bases tangibles.

En résumé, les données à collecter

#Les données « statiques » de référence immobilière

  • Adresse et localisation des bâtiments
  • Description des bâtiments
  • Description des étages
  • Surfaces : totales, utiles, chauffées
  • Nombre d’occupants
  • Secteur d’activités des bâtiments
  • Contrat de fourniture des fluides
  • Plan de comptage et de mesures
  • Caractéristiques des points de comptage et de mesure (fluides, unités)
  • Répartition des points de comptage selon les bâtiments et les zones

#Les données « dynamiques » de consommation

  • Factures
  • Relèves manuelles
  • Télérelèves
  • Données externes (nombre de visiteurs à la piscine, informations météo…)